Lettre à un jeune compositeur
(traduction de Charles Lafleur)
(Cette lettre est aussi disponible en espagnol, en italien, en portugais, en russe et en allemand (format pdf).
Je reçois régulièrement des courriels d’aspirants-compositeurs – des jeunes surtout, mais pas toujours – sollicitant des conseils concernant la poursuite de leurs rêves de musique, l’acquisition d’une formation de qualité, les interactions avec le milieu musical, etc.
Même s’il n’y a pas de réponses simples à ces questions, certaines idées me viennent régulièrement à l’esprit et j’ai pensé qu’il serait utile de rédiger une lettre adressée à tous ceux qui s’interrogent. Voici quelques réponses, les miennes, à vos interrogations les plus fréquentes.
INTRODUCTION
Cher X,
Votre lettre me fournit l’occasion de mettre par écrit certaines réflexions que je mûris depuis longtemps, en espérant qu’elles vous aideront, vous, un aspirant-compositeur.
Vous entreprenez une aventure fascinante et des moments de toutes sortes, des bons et des moins bons, vous attendent. J’espère que vous goûterez les premiers et que vous apprendrez des seconds.
MON EXPÉRIENCE PERSONNELLE
Tout d’abord, je tiens à préciser que mon cheminement de compositeur n’a vraiment rien d’un modèle à suivre. J’ai eu mon lot de malchances mais j’ai surtout commis de nombreuses gaffes, ce qui fait que bien des choses m’ont pris, inutilement, trop de temps. Au fil de cette lettre, je raconterai quelques-unes de mes erreurs dans l’espoir que vous puissiez les éviter.
LA FORMATION
La première question que vous soulevez concerne votre formation en composition. Permettez-moi de prendre, immédiatement, une position très tranchée ; si vous la saisissez bien, la suite des choses en sera grandement facilitée.
Il importe de réaliser que la composition est d’abord et avant tout un métier. Vous devez devenir un artisan avant d’aspirer à devenir un artiste. Plus vite vous abandonnerez le concept romantique de l’artiste, ce fou inspiré des dieux, mieux vous vous en porterez. Peu importe votre talent, sans une formation professionnelle minutieuse, il sera gaspillé. Il faudra donc vous astreindre, pendant longtemps, à réaliser des exercices dans le but non pas de digérer toutes ces de règles qu’on retrouve dans certains manuels, mais plutôt de « devenir ami avec les notes. » C’est l’expérience acquise à travers des centaines de petites compositions bien ciblées – ce que tout exercice devrait être – qui vous donnera la liberté de créer, en temps et lieux, ces œuvres dont vous rêvez. Une partie de ce travail consiste à découvrir ce que nos prédécesseurs ont fait, une autre partie ressemble à l’apprentissage des idiomes d’une langue, le reste consiste simplement à explorer d’innombrables situations pour distinguer ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas. A se rappeler surtout, c’est qu’ici la quantité importe. L’apprentissage de la musique n’a rien en commun avec celle de la philosophie qui exige qu’on absorbe quelques idées essentielles ; elle ressemble plutôt au développement d’un athlète de haut niveau : impossible d’y échapper, il faut y mettre les heures. Bien sûr, la compréhension peut aider, mais elle ne remplacera jamais la pratique. Elle ne peut que la guider.
Un autre point à retenir : Rares sont les compositeurs sérieux qui n’ont pas consacré des années à l’apprentissage d’un instrument. Et je ne parle pas de deux années d’étude en guitare. Je parle d’une maîtrise telle d’un instrument qu’elle permet de jouer devant public, de comprendre le vécu émotif et intellectuel de l’interprète, et de sentir viscéralement les réalités d’une exécution en concert. Même en dose massive, aucune discussion ou lecture ne vous donnera cette expérience, pas plus que le recours à un excellent manuel ne fera de vous un amant remarquable. La presque totalité des compositeurs importants du passé ont été des instrumentistes de niveau respectable ou supérieur et il est très regrettable que cette tradition se soit en bonne partie perdue, surtout, faut-il le préciser, dans le système universitaire en vigueur en Amérique du Nord. (En 3 ou 4 ans, on ne peut maitriser raisonnablement un instrument.)
Dans le même ordre d’idée, permettez-moi un second commentaire. Dans les universités, la plupart des facultés de musique offrent une foule de cours d’analyse mais négligent l’aspect « pratique ». Pour une simple raison : il faut beaucoup plus de temps, d’efforts et d’expérience pour écrire et jouer de la musique que pour l’analyser. Il n’y a rien de mal, en soi, à faire un peu d’analyse mais jamais comme substitut à la pratique musicale véritable. Répétons-le : le musicien véritable, à la formation complète, c’est celui qui peut jouer et écrire de la musique, pas celui qui jongle avec les mots. Encore une fois, pensons aux sports ou à l’ébénisterie, pas à la philosophie.
Un dernier mot concernant le type d’entraînement à privilégier. L’objectif ultime n’est pas de vous remplir de recettes mais de vous enseigner ce que vous devrez exiger de vous-mêmes comme artiste. Les solutions traditionnelles, bien éprouvées, aux problèmes usuels ne sont utiles que si vous comprenez pourquoi elles fonctionnent. En fait, ce simple adverbe, « pourquoi », est l’outil principal de votre formation. Dans les écoles de musique, beaucoup de notions ont été rabâchées de générations en générations au point d’avoir perdu leur sens original. Habituellement, ces notions recèlent un trésor caché mais bien des textes et bien des professeurs n’en parlent pas. Voilà qui explique, en partie, ma série de livres en ligne. J’ai passé un temps considérable à chercher les justifications de tant de notions de base, suite souvent aux questions de mes premiers étudiants auxquelles je ne pouvais répondre. Je veux maintenant épargner aux autres ces longues et fastidieuses recherches.
Vous devrez développer une attitude positive par rapport à votre musique, surtout au début : vos premières pièces ne peuvent être parfaites. Malgré tout, il importe de les compléter. (Vous pourrez d’ailleurs les réviser plus tard, si le cœur vous en dit.) Un certain type d’expérience, essentiel à l’acquisition d’un bon sens formel, ne vient qu’en complétant les pièces. Il s’agit là de l’étape ultime de votre formation, une étape qui exige, contrairement aux premiers exercices, de travailler sur des pièces de longue durée.
Personne ne peut, mieux que vous-mêmes, vous enseigner. Le meilleur outil d’apprentissage demeure l’écoute, une écoute qui doit être active. Posez-vous sans cesse des questions. Pourquoi cette pièce, à cet endroit précis, déçoit-elle ? En quoi cette autre pièce est-elle mieux réussie ? Quels sont les éléments qui contribuent à donner à l’émotion tant de puissance ? Si vous décidiez de corriger cette pièce imparfaite, que changeriez-vous ? Écoutez avec ouverture tout ce qui se présente, mais après avoir accordé le bénéfice du doute, permettez-vous de rejeter ce que vous n’arrivez pas à aimer.
Abordons maintenant un point qui en tracasse plusieurs : comment choisir son professeur ? Une excellente question, sans réponse évidente. Par définition, la majorité des professeurs sont de calibre moyen. Malheureusement, dans un domaine aussi subjectif que la musique, « moyen » est à cent lieues du très bon. Que rechercher alors chez un professeur ? (Et je dis bien « un professeur » et non « des professeurs » car mes expériences, à répétition, m’ont amené à conclure qu’on tire 90 % de nos apprentissages d’une ou deux personnes. Le défi est de trouver la (ou les deux) perle(s) rare(s).
Allons-y de quelques conseils :
- N’évaluez pas les gens en fonction de leur renommée, ni l’école en fonction de sa réputation. Les bons compositeurs ne font pas automatiquement de bons pédagogues ; il s’agit de deux habiletés tout-à-fait différentes. L’enseignement de la composition est aussi une activité très personnelle et la relation avec le professeur doit être agréable. En ce domaine, la renommée n’offre aucune garantie. Vous devez aller rencontrer les professeurs qui vous intéressent et remarquer s’ils font des suggestions claires, spécifiques et constructives au sujet de votre musique. Retenez bien ces trois mots. Si le professeur n’est pas clair, spécifique et constructif, du moins la plupart du temps, vous apprendrez bien peu.
- Écoutez leur propre musique. Il importe peu que vous l’aimiez ou que vous désiriez l’imiter, mais vous devez la respecter. Vous n’aurez aucun plaisir à travailler avec un professeur dont vous n’estimez pas la musique. Aussi, assurez-vous qu’il respecte ce que vous projetez d’écrire. Il y a longtemps, j’avais entrepris des études de composition dans une université de mon patelin mais les professeurs jugeaient mon ambition d’écrire des symphonies désespérément dépassée. De guerre lasse, ils ont exigé que je quitte le programme, arguant que je n’étais pas un « vrai » compositeur. (Plus tard, à la très réputée Juilliard, on a manifesté une opinion bien différente en m’acceptant au doctorat en composition.)
- Prenez garde aux idéologies. Même si la plupart des professeurs prétendent encourager leurs étudiants à trouver leur propre voie, plusieurs, de fait, vous pousseront, souvent avec insistance, vers certains compositeurs modernes qu’ils affectionnent et tenteront de vous éloigner de ceux qu’ils estiment égarés sur le « mauvais chemin ». Si votre professeur cherche à vous convaincre du génie de Stockhausen alors que la musique de ce compositeur vous donne toujours envie de déguerpir, vous êtes avec le mauvais professeur. Vous devez écouter une foule de musiques, en laissant à chacun sa chance, mais si après quelques écoutes, les œuvres ne vous touchent pas, inutile de vous acharner. A l’époque où j’étais étudiant, je me suis efforcé, pendant des années, d’aimer et de respecter la production de l’avant-garde européenne des années’60 et ’70, toujours sans succès. Je n’ai tout simplement pas envie d’écouter la plupart de ces pièces. Elles disparaitraient demain sans que j’y perde quoique ce soit. La musique en vogue de nos jours peut être différente (et peut varier d’une école à l’autre) mais, trop souvent, les mêmes pressions s’exercent. Soyez particulièrement vigilants face à certaines erreurs de logique souvent tapies dans les argumentaires des idéologues. Par exemple, on vous dira que « la musique de la plupart des grands compositeurs a été considérée comme difficile à leur époque. » Même en acceptant la prémisse de départ – pourtant très contestable – remarquez le sophisme qui consiste à sous-entendre que si vous trouvez certaines œuvres difficiles, elles doivent être majeures. Étonnamment, même des gens remarquablement intelligents profèrent parfois de tels non-sens. En musique, la « difficulté » n’est jamais un critère de qualité.
- Évitez ces professeurs qui passent un temps considérable à débattre de questions stylistiques mais qui n’ont rien à dire, ou si peu, sur les aspects techniques. Les cours devraient être centrés sur des éléments techniques spécifiques, par exemple, sur la cohérence d’une certaine ligne de basse ou sur la pertinence d’utiliser deux trombones, plutôt qu’un seul, dans un passage donné. Si l’essentiel des discussions porte sur l’esthétisme ou sur l’importance de « sonner moderne », on peut soupçonner que le professeur a peu à dire sur les aspects techniques spécifiques. En d’autres mots, il ne peut vous enseigner le métier parce qu’il ne le possède pas lui-même. Il m’est déjà arrivé de présenter une pièce à un professeur dont le seul commentaire fut : « De nos jours, on n’écrit plus de cette façon. » Une mise à mort révélatrice : il parlait des modes du temps, pas de ma pièce. Même si avec des étudiants avancés des discussions occasionnelles sur l’esthétisme peuvent s’avérer utiles, les suggestions techniques spécifiques, dans des passages précis, sont presque toujours plus enrichissantes. Il est préférable que le professeur vous dise : « Essaie de trouver une solution plus personnelle ici, ca rappelle trop… » que : « Ta musique est trop conventionnelle. »
- Méfiez-vous des professeurs qui ne jurent que par des systèmes abstraits. Vous avez probablement affaire, ici encore, à des gens qui n’ont rien de concret à dire au sujet de la musique. Ces systèmes, pour la plupart, ont en commun une caractéristique fâcheuse : ils s’intéressent peu à ce qui est audible. Si vous vous préoccupez constamment d’éléments inaudibles, vous gaspillez un temps précieux qui aurait dû servir à mieux faire sonner votre musique. Aucune systématisation abstraite, peu importe la dose, n’aidera votre musique à mieux sonner, pas plus que le fait de construire un navire en suivant une recette de gâteau au chocolat ne permet d’espérer qu’il va flotter. Concentrez-vous sur ce que l’oreille humaine normale peut entendre.
COMPOSER A NOTRE ÉPOQUE
De nos jours, la musique contemporaine affronte de grands bouleversements. Les possibilités de médium et de style dépassent tout ce qu’on a pu connaître par le passé. Si vous êtes sérieux, vous devrez, d’une façon ou d’une autre, « trouver votre voix propre ». Qu’entend-on par là ? Distinguons d’abord originalité et bizarrerie. Peu importe l’époque, le nombre de compositeurs qui arrivent à faire preuve d’une réelle originalité tout en émouvant l’auditoire est, on le constate, extrêmement réduit. Trop souvent, la recherche frénétique de l’originalité ne débouche que sur des pièces étranges. Rien de plus facile que de sonner curieux ; le problème, c’est que les innovations qui font preuve d’une réelle puissance expressive sont rarissimes. Ce n’est pas en cultivant des bizarreries aléatoires – même générées par des systèmes abstraits sophistiqués qui finissent toujours, ultimement, par donner, à l’écoute, une impression de hasard – que vous découvrirez votre voix propre. Cette voix surgira plutôt de la rencontre des œuvres que vous aimez – bref, de vos préférences musicales – et du métier que vous aurez acquis. Au fil d’une démarche intègre, vous développerez un monde sonore qui vous ressemble. Pas en tentant de faire l’original, mais simplement en écrivant la meilleure musique dont vous êtes capable et en y insufflant graduellement votre unicité profonde. Plutôt que de courir après l’insolite, cherchez simplement des façons d’améliorer votre musique, à la manière d’un artisan toujours à l’affut de meilleurs outils et de meilleures méthodes. Dans les pièces malhabiles, la faiblesse la plus répandue, de loin, concerne ce que j’appelle « les distractions » : certains éléments musicaux ne contribuent pas à l’effet émotionnel recherché. Parfois, ces distractions affaiblissent l’effet, parfois, pire encore, elles le contredisent. La plupart du temps, le compositeur n’a tout simplement pas vraiment réfléchi aux moyens d’utiliser, de façon coordonnée, toutes les ressources disponibles. (Par coordonnée, je ne sous-entends pas un quelconque système abstrait chargé d’intégrer le tout, mais plutôt l’ensemble des éléments audibles qui contribuent à l’effet qu’on veut créer chez l’auditeur.) Maîtriser cette coordination des moyens disponibles, voilà le travail de toute une vie. Savoir que la combinaison de certains instruments génère un certain type de fondu, c’est une chose, savoir à quel moment il s’agit du choix optimum compte tenu du caractère impliqué, c’est toute autre chose. La plupart des compositeurs se satisfont d’un niveau acceptable plutôt que de viser la perfection. On peut le comprendre mais sans recherche de perfection, on ne s’améliore pas. Et la perfection, à son niveau ultime, dépend d’une sorte de logique émotionnelle qui donne à la musique son impact le plus profond. Une préoccupation qui ne concerne pas les débutants mais qu’on découvre partout chez les grands maîtres. Elle mérite qu’on s’y consacre.
Cette visée – la quête de la profondeur émotionnelle – a beaucoup plus importance pour l’artiste sérieux que le style. S’il est presque impossible d’en discuter dans une salle de classe, elle n’en demeure pas moins essentielle (les difficultés de mesure et de systématisation ne doivent pas nous amener à conclure à l’absence d’importance.)
Avec le temps, la plupart des compositeurs de musique dite « sérieuse », s’ils sont intègres et surtout s’ils ne font pas partie de la clique qui fait la loi dans leur milieu, se demanderont : « Pourquoi s’acharner ? » Votre musique ne rejoint que des auditoires modestes, certains collègues, probablement, ne la respectent même pas et les récompenses se font rares. Il y a peu de réponses satisfaisantes à cela. Mais j’argumenterai à l’effet que les vrais compositeurs composent parce qu’ils ont la musique dans le sang et parce qu’ils aiment ce qu’ils écrivent. Bref, ils aiment composer. Si vous êtes également un instrumentiste qui se produit devant public, vous aurez le plaisir de jouer de la musique – dont vos œuvres – toute votre vie. Et personne ne pourra vous enlever cette satisfaction. Faire de la musique doit être une activité qui accroit votre qualité de vie et qui vous permet de partager le meilleur de vous-mêmes, ce qui justifie, amplement, tous vos efforts.
ET LA CARRIÈRE ?
Les compositeurs, évidemment, veulent être joués. Pensons-y un instant : pour être joué, vous n’avez pas tant besoin des autres compositeurs que des interprètes. Le premier intéressé à jouer vos pièces doit être vous-mêmes. Si vous êtes un exécutant de bon niveau, on peut présumer que vous faites de la musique avec d’autres instrumentistes. Écrivez pour eux. Il est beaucoup plus facile d’intéresser à vos œuvres ceux avec qui vous jouez que de solliciter les faveurs d’étrangers. Profitez aussi de l’occasion pour apprendre d’eux. S’ils aiment votre musique, ils la joueront à nouveau. S’ils ne le font pas, demandez-vous sérieusement pourquoi.
Des collègues compositeurs peuvent quand même vous aider, par exemple, à organiser des concerts. Rappelez-vous cependant qu’ils vous considéreront aussi, probablement, comme un « compétiteur » ce qui entraîne d’inévitables conflits d’intérêt. Il n’y a là, en soi, rien d’insurmontable mais vous devez savoir faire preuve de jugement et de tact.
Un mot concernant les critiques. Pour un professionnel, une critique vraiment constructive est inestimable. Mais attention ! La critique qui enrichit requiert des connaissances, du jugement et de la générosité. La vaste majorité des critiques musicaux manquent totalement des connaissances qui pourraient les rendre utiles. Pire, plusieurs brandissent allègrement leur hache affilée et peuvent, en conséquent, s’avérer terriblement dangereux.
Les préoccupations monétaires sont légitimes, surtout que la carrière de compositeur de musique de concert est rarement lucrative. Voyez-y une autre bonne raison de n’écrire que la musique que vous aimez. A moins d’un coup de chance extraordinaire, vous aurez à décider, dans une certaine mesure et presqu’inévitablement, du niveau de compromis qui vous semble acceptable. Accepteriez-vous d’écrire de la musique de film ? Des « jingles » publicitaires ? Préféreriez-vous enseigner plutôt que d’écrire de la musique qui ne vous plaît pas vraiment ? Certains, plutôt que de renoncer à écrire la musique qu’ils affectionnent, préfèrent gagner leur vie dans un tout autre domaine. Bien sûr, si vous rêvez, par exemple, de faire de la musique de film, vous êtes, d’une certaine façon, très chanceux. Le chemin ne sera pas nécessairement facile mais si le succès vous sourit, vous gagnerez raisonnablement bien votre vie. (Incidemment, la musique de film requiert un métier très solide, compte tenu qu’il faut souvent la produire à la dernière minute.)
Enfin, il importe de ne pas confondre réussite en carrière et production de grandes œuvres. Pour réussir une carrière musicale, il faut multiplier les contacts, élaborer des stratégies d’autopromotion et s’intégrer au milieu musical. En d’autres termes, la carrière dépend principalement des habiletés sociales. Écrire des œuvres magnifiques requiert des habiletés bien différentes. Qu’on possède ou non ces deux types d’habiletés, il importe de bien saisir les enjeux impliqués. Personnellement, j’ai réalisé ces distinctions beaucoup trop tard. En conséquence, j’ai négligé de promouvoir ma carrière au moment où l’impact aurait été maximum. N’ayez aucune honte à pousser honnêtement votre musique mais sachez qu’il vous faudra développer des habiletés sociales et cultiver une attitude d’entrepreneur ambitieux. Voilà des sujets complexes et je ne crois pas être la personne la plus apte à vous les enseigner.
CONCLUSION
Il est sûrement souhaitable de réaliser tôt que la composition musicale ne mène ni à la richesse, ni au bonheur (ce n’est pas par hasard qu’on retrouve, parmi les compositeurs renommés, si peu d’individus altruistes ou heureux). Réussir sa vie requiert beaucoup de sagesse et rien ne remplace, en musique comme ailleurs, la compréhension. La sagesse de vie est un sujet fascinant dont on pourrait discuter longtemps mais… il se fait tard. Si vous désirez creuser la question, dénichez ce bouquin superbe : « Poor Charlie’s Almanack » et plongez-y.
Bonne chance !
Alan
Des exemples de la musique d’Alan Belkin (partitions et audio) sont disponibles ici.