Principes généraux d’harmonie – Les critères d’évaluation d’une harmonisation
Suite à notre discussion des principes généraux d’harmonie, nous pouvons déduire les caractéristiques d’une harmonisation médiocre, peu importe le style impliqué. Parmi les indices d’une réalisation harmonique pauvre, notons :
- Des accents inappropriés ou qui semblent dus au seul hasard. Dans cette variante d’un exemple déjà présenté, on place maintenant un accord en « cluster » sur le dernier temps de la première mesure. Cet accord, en plus de perturber la conduite des voix, s’avère d’intensité supérieure à tout ce qui précède. Il arrive, en milieu de phrase, à un moment qui ne justifie d’aucune façon un accent particulier.
- Des trous ou des points morts non justifiés ou qui semblent résulter du hasard. Cette deuxième variante de l’exemple ci-dessus introduit maintenant un accord ouvert et transparent sur le dernier temps de la première mesure. Par rapport à ce qui précède, cet accord sonne extrêmement vide. Ici encore, sa position dans la phrase ne justifie pas une mise en évidence particulière.
- Le manque de direction, souvent avec une certaine la grisaille et le manque de relief. Cette variante d’un exemple précédent présente un déroulement désormais incohérent. La tension intervallique progresse de façon aléatoire : les intervalles demeurent statiques, sans raison, puis se mettent à bouger au hasard dans la phrase. Le sommet est mal préparé et la cadence finale, sur une seconde mineure, sonne exagérément dur.
PARLONS PÉDAGOGIE
Voici quelques suggestions concernant l’enseignement de l’harmonie :
- Généralement, on présente les « règles » d’harmonie de façon très tranchée, en noir et blanc : évitez les octaves parallèles et les fausses relations, résolvez la sensible, etc. Ces normes primaires ne peuvent servir qu’au débutant. En pratique, l’effet harmonique dépend du contexte et le compositeur doit d’abord penser consistance. Ainsi, dans La Cathédrale Engloutie de Debussy, les quintes et octaves parallèles appartiennent à un univers consistant. En conséquence, elles ne sonnent jamais inappropriées. Une approche pédagogique efficace consiste à “graduer” les situations harmoniques en fonction de leur caractère plus ou moins audible. En mettant l’accent sur la gradation (par des échelles de dissonance ou d’accent, de modulation voisine ou éloignée, etc.), on développe chez l’étudiant une perception et un jugement musical pointus, des habiletés qu’il peut ensuite transférer, contrairement aux règles rigides, à divers contextes. Illustrons par un exemple :
Dans le cas “A”, en situation traditionnelle de polyphonie à quatre voix, les quintes parallèles entre les voix extrêmes sont flagrantes. En “B”, par contre, les quintes parallèles sont beaucoup moins audibles. Elles sont confiées aux voix internes et l’activité du soprano accapare l’attention. Dans un contexte d’homogénéité timbrale, on peut difficilement distinguer “B” de “C” qui présente pourtant la conduite des voix idéale.
- Chantons et jouons. L’harmonie repose sur un entraînement de l’oreille. Incitons l’étudiant à chanter chacune des parties pendant qu’il joue les autres.
- Expérimentons des solutions alternatives. Souvent, la réécriture d’un passage harmonique, en variant la conduite des voix et les cadences, débouche sur de belles découvertes.
- En tout temps, mettons l’accent sur les voix qui dominent. L’harmonie, ce monde admirable fait de tensions et de détentes, ne pratique pas la démocratie. Dans la plupart des situations, certaines notes contribuent davantage que d’autres à l’effet harmonique. Aussi, cultivons l’habitude d’identifier, dans les accords, quels sont les intervalles les plus riches en caractère.
- Malgré la pertinence d’entreprendre l’étude de l’harmonie avec des textures vocales à quatre voix (puisque l’homogénéité qui en résulte présente un honnête compromis entre la richesse du fondu et l’indépendance des lignes et puisque… tout le monde a une voix), il faut, éventuellement, migrer vers une écriture variant le nombre de voix et s’adressant tant au piano qu’à divers petits ensembles. De cette façon, on aborde l’interrelation fondamentale entre l’harmonie et l’orchestration.