L’art orchestral – Un glossaire des caractères orchestraux
INTRODUCTION
Avec ce glossaire, je propose au débutant une approche particulière au métier d’orchestrateur. Dès qu’il sait écrire efficacement pour les différents instruments, en tenant compte des idiomes de chacun, et dès qu’il a assimilé les principes de balance orchestrale et de l’interaction de l’orchestration et de la forme musicale, la tâche de l’orchestrateur consiste à choisir les combinaisons sonores les plus appropriées aux situations musicales qu’il rencontre. C’est le caractère impliqué, surtout, qui déterminera ses choix. Dans ce glossaire, vous trouverez une liste de caractères et des suggestions orchestrales pour les traduire.
QUELQUES MISES EN GARDE D’IMPORTANCE
Les termes utilisés pour identifier les caractères demeurent approximatifs. Ainsi, le vocable « lyrique » peut suggérer une grande variété d’émotions, chacune requérant une orchestration particulière. Utilisées de façon trop littérale, les combinaisons proposées risquent de sonner cliché. Comme on le sait, les clichés perdent vite de leur effet et risquent même de devenir, involontairement, comiques. (Pensez à ces trémolos d’accords diminués qui évoquent, dans les films muets, l’imminence d’un danger.) Il faut donc utiliser le présent glossaire comme un point de départ et non comme un livre de recettes. Le caractère musical ne dépend d’ailleurs pas seulement de l’orchestration. De nombreux éléments tels que l’harmonie, le tempo, le rythme, etc., ont leur importance. Ainsi, vous constaterez que les suggestions orchestrales sous les vocables « terrifiant » et « brillant » sont presque identiques. Le caractère résultant dépend surtout, en fait, du type d’harmonie utilisé. Tous les paramètres musicaux doivent être minutieusement traités en fonction de leur potentiel expressif. On pourrait d’ailleurs bâtir des glossaires pour chacun d’eux. Le compositeur, pour réaliser le caractère visé, doit utiliser l’ensemble des ressources disponibles. Les œuvres anémiques souffrent toujours du fait que certains paramètres ne contribuent pas à l’effet recherché et même, dans les pires cas, viennent carrément distraire l’auditeur.
LES CARACTÈRES
Lumineux
Ce caractère nécessite la combinaison de deux éléments : un arrière-plan doux, habituellement constitué de cordes tenues, et un élément dont émane la lumière :
- Des trompettes ou des cors, en douceur, dans un registre médium-aigu.
- Des flûtes, pas trop fortes, au médium-aigu.
- Des touches de percussions métalliques aigues (des cymbales suspendues ou du glockenspiel, par exemple), pas trop sonores.
Mystérieux
Le mystère naît du manque de clarté. Les sonorités requises incluent de subtiles résonances (des sons tenues) en arrière-plan et/ou une activité très calme, avec une texture intervallique pas trop épaisse :
- Des cordes en sourdine.
- Des cordes en harmoniques.
- Des flûtes dans le grave.
Menaçant
Certaines sonorités, souvent attaquées en douceur puis amplifiées en crescendo, évoquent des cataclysmes naturels (tremblements de terre, éruptions volcaniques, etc.) et s’avèrent très puissantes :
- Les tambours graves : en roulement ou avec des patrons rythmiques précis, ils créent des effets menaçants et quasi primitifs.
- Serrés dans le grave, des cordes et/ou des bois, ou encore des cuivres avec sourdines.
- Dans l’extrême grave, en douceur, le tam-tam ou la grosse caisse.
Terrifiant, furieux, déchaîné
Il faut des sons puissants et perçants, qui évoquent souvent les cris rauques et stridents des animaux :
- Des bois et/ou des cuivres, dissonants dans l’aigu, possiblement en notes répétées obsédantes ou en trilles.
- Des percussions sèches aigues (par exemple, un xylophone en forte), un roulement de cymbales en crescendo.
Brillant
Ce caractère suggère habituellement la vitesse et même une certaine virtuosité :
- Dans leurs registres aigus respectifs, des cuivres, en intervalles ouverts, exécutant des traits rapides (des notes répétées ou des trilles, par exemple).
- Des cuivres en crescendos.
- Aux cordes ou aux bois, des lignes rapides qui filent vers l’aigu.
Riche, triomphant, éblouissant
En profitant de la masse orchestrale, il faut suggérer générosité et richesse :
- Les tutti, avec les cuivres tenus en intervalles serrés dans le registre médium-supérieur (et particulièrement les cors, dans le registre de la voix d’alto), combinés aux cordes aigues en octaves.
Dramatique
Ce caractère implique un soudain contraste de registres, de timbres et de dynamiques.
Funèbre
Les sonorités lourdes et traînantes cherchent à évoquer un cortège funéraire :
- Dans leur registre grave, les cuivres et les bois jouant lentement.
- Les timbales ou la grosse caisse scandant le rythme.
Enjoué, amusant
A moins qu’on ne vise le grotesque, le mot d’ordre doit être « clarté » :
- De nombreux silences.
- Des staccatos à l’aigu.
- Des pizzicati.
- Le basson en staccato.
- En évitant les notes tenues aux cuivres.
Caricatural (ou grotesque)
Des lignes caractéristiques d’un instrument sont confiées à un autre instrument. Par exemple, un tuba, pour faire rire, exécutera un trait typique du basson.
Triste, mélancolique, déchirant
Ici, on cherche à évoquer les lamentations d’un individu – par un solo – découragé ou épuisé :
- Des cordes tenues en mouvement lent dans un registre grave.
Sur des cordes tenues, un solo de bois (particulièrement de hautbois ou de clarinette) ou à la flûte dans le grave.